Mon pélerinage à La Mecque du cyclo

Le Mont Ventoux est un haut lieu de pélerinage pour le cycliste, qu’il soit cyclotouriste, cyclosportif ou sportif.
Depuis des décennies et des décennies cette montagne pelée fascine, envoûte, trouble les uns et séduit les autres.
Mais chacun ne peut rester insensible au Géant de Provence, d’autant plus que mythes et légendes entretiennent un parfum de mystère autour de ce colosse de 1909m.

Donc cette année, c’est décidé, je vais aller voir de près la " chose ". En vacances dans le Vaucluse, dans les environs de Carpentras, le premier élément qui impressionne lorsque l’on porte son regard au Nord est cette barrière naturelle, cette montagne qui a presque " poussée " dans la plaine du Comtat Venaissin.
Mes premières sorties se font autour de la montagne, et la sensation de sa grandeur, de son ampleur, et de sa taille surprend, étonne et inquiète. Un indescriptible sentiment de majesté de la montagne vous assaille, avec au sommet sa calotte de pierre blanche, vaste désert lunaire.
Un diction provençal local dit du Ventoux : " n’est pas fou qui y monte, mais est fou qui y retourne ".Il y a trois possibilités d’accès au sommet du mont chauve : par Malaucène, approche ouest, par Bédoin par le sud , et par Sault par l’Est.

Par Bédoin,

c’est la D974, route historique construite en 1882, longueur 21km jusqu’au sommet, on passe de 300m à 1909m (1609m de dénivelé).
De Bédoin, les premiers km sont entre 3 à 5%, parmi les vignobles des côtes de Ventoux, et les cerisiers. Hameau de Sainte Colombe au km 4, puis des Bruns au Km 5 (dernière fontaine avant le sommet !!!), c’est assez facile mais il faut éviter de céder à cette relative facilité et garder des forces pour plus tard.
Puis c’est Saint Estéphe au km 6 avec son fameux virage relevé, qui a désormais disparu.
Il faut savoir que depuis 1902 il y avait des courses de côtes en automobiles sur cette route, et qu’un virage relevé avait été installé afin d’être plus adapté à la course auto. A titre indicatif en 1902 la moyenne du vainqueur était de 45km/h, en 1949 Maurice Trintignant gagne à 92 km/h. La dernière édition de 1976 voit un Français Mieusset gagner à 149 km/h de moyenne. Les courses reprendront en 1988, sur un parcours plus court (départ des Bruns au lieu de Bédoin).
A partir de ce virage, les choses sérieuses commencent, un premier km à 8,5% pour se mettre en jambes, et puis 8 km à 10% (du km 7 à 645m au km 15 à 1405m ) rien moins que ça !! avec 32x18/19 ou 21 quand il le faut.

Depuis Saint-Estèphe le paysage a changé et se compose de forêts aux essences variées. La route est étroite, mais offre un bond rendement avec un revêtement parfait et en bon état.
Donc, Km 8 c’est les sept virages, variante de nos sept tournants revus à la puissance 10.
Km 9, pavillon forestier de Rolland, on pénètre dans une forêt de cèdres aux senteurs capiteuses, et à l’ombrage particulièrement apprécié.
Km 11 virage en épingle, la corde est déconseillée, la végétation est faite de pins noirs d’Autriche avec quelques hêtres, à partir de 1300m (vers le km 14) les pins noirs sont remplacés par des pins à crochets et cela jusqu'au Chalet Reynard à 1475m, au km 15, petite station de sport d’hiver ouverte en 1923.
De là on peut sur la droite par la D 164 rallier Sault, et à gauche on va sur le sommet par une affreuse rampe de 6 km par une route qui épouse les contours des combes et traverse un étonnant univers minéral, vaste désert de cailloux dû au rigoureux climat de la montagne.
Km 17,5 1500m, il y a la fontaine de la Grave puis presque après la stèle en marbre en hommage à Tom Simpson.
Km 20, 1841m c’est le col des tempêtes, et 1km après c’est le sommet avec l’observatoire et quelques petites boutiques de souvenirs. Les 6 derniers km sont un peu moins pentus.

C’est une redoutable ascension. Bien que la pente soit forte, la végétation fournie jusqu’au Chalet Reynard qui offre un ombrage salutaire et la route qui possède un bon rendement et serpente sur le flanc Sud du géant rendent cette ascension plus supportable, à la seule condition de la faire en début de matinée. L’après-midi je pense qu’il ne vaut mieux pas l’envisager (durant tout mon séjour vers 12 heures il faisait 38° à l’ombre).Je pense que faire ce versant par forte chaleur doit être terrible !!

Par Sault

765m, par la D164 on rejoint le Chalet Reynard 1475m en 20km par une pente n’excédant pas 6% et régulière. Au début on évolue parmi les champs de lavande et la garrigue avec des arbres rabougris comme les chênes kermés, mais il n’y a pas d’abris et la chaleur est étouffante, et j’ai grimpé ce côté le matin !!
Aucune habitation, pas âme qui vive, et donc pas de possibilité de se ravitailler en eau. Quelques maisons forestières inhabitées sont les seules présences de l’homme.
Au Km 8 chapelle le Ventouret, puis vers 1100m au km 10 la forêt s’étoffe, chênes pubescents et mélèzes et apportent une fraîcheur salvatrice, km 15 beau belvédère avec superbe vue sur le sommet, km 20 et c’est le Chalet Reynard. Sur ce versant c’est l’absence d’air et la chaleur étouffante qui sont les plus pénibles.
Enfin, par Malaucène, 340m, il y a 21km d’ascension par la D974.
La route est large (accès à la station de ski du Mont Serein oblige), le revêtement est rugueux, rendant mal, et offre des passages en mauvais état. A la sortie du village, il y a la source du Grosson (il y a même un prieuré) dans un oasis de verdure et de fraîcheur (remplissage bidon obligatoire). Les 2 premiers km sont aisés.

Puis d’ici, la route tracée à flanc de montagne en 1932 suit le flanc Nord du géant. L’ascension se fait parmi les hêtres et les mélèzes, la pente augmente. Km 7 chapelle Saint Idoine, puis à partir du belvédère au km 10, il y a 4 km à près de 10%, par une route large et quasiment droite, dépourvue de virage, l’impression de surplace est démoralisante, les lignes droites sont interminables, 32x21 de rigueur.
Enfin au km 15,5 c’est la station de ski du Mont Serein à 1430m, avec ses grands parking, son décor de remonte-pentes et ses pistes tracées parmi les pentes boisées du géant. On tourne à droite et on emprunte un petite route de montagne à travers les mélèzes qui disparaissent petit à petit, et sur les 3 derniers km nous évoluons parmi la pierraille.
Cette section est lunaire, avec les terribles lacets ( km 20 à 10,5%) de la route tracée dans la caillasse blanche. En arrivant sur cette section si particulière, en levant le nez on voit la route tout là-haut, qui serpente dans les cailloux, et les virages en lacet.
Une sensation d’écrasement, une troublante impression d’inaccessibilité pèse sur vous, pauvre cycliste de surcroît étouffé par la raréfaction de l’oxygène et par la chaleur qui règne. Enfin voici le sommet.
Bien que ce versant présente le même dénivelé que celui passant par Bédoin, je le considère plus difficile : mauvais rendement du revêtement de la route, grande ligne droite, ombrage moins fourni, et la section lunaire si impressionnante.
J’ai fait ces ascensions uniquement en début de matinée, et peut maintenant à mon tour alimenter la légende, et vous dire que le Ventoux est fascinant, et que son ascension ne ressemble à rien d’autre.
Ayant fait comme le bon musulman son pélerinage à La Mecque, je ne peux que vous encourager à le faire à votre tour, car si l’ascension est dure, le paysage est grandiose et le point de vue inégalable.

Christian